Mursal Sayas, a journalist and human rights advocate from Afghanistan, shares her mission to document the violence faced by women in her homeland. In her book, “Qui entendra nos cris ?”, she presents testimonies of Afghan women, highlighting their struggles under Taliban rule. During a recent meeting in Paris, Sayas discussed her work, the challenges of life in Afghanistan, and her commitment to feminist principles. She emphasizes the importance of raising awareness and supporting Afghan women as they face increasing oppression.
LE CAFÉ #18 “Mon objectif est de raconter et de documenter toutes les violences subies par les femmes en Afghanistan. C’est devenu ma mission, voire mon devoir. Il m’est impossible de ne pas dénoncer la nature inhumaine de la société dans mon pays natal.” En janvier dernier, j’ai dévoré le livre de Mursal Sayas, Qui entendra nos cris ? (Éditions de l’Observatoire), dans lequel elle partage dix témoignages de femmes vivant à Kaboul, bien qu’elle en ait recueilli une centaine. Après l’avoir recommandé dans un épisode de la newsletter (“Pourquoi je ne veux pas le raccourcir, frère”), nous nous sommes ajoutées sur Instagram et sommes devenues amies virtuelles. Il y a quelques jours, j’ai eu l’immense plaisir de la rencontrer en personne autour d’un café. Installées confortablement au cœur de Paris, nous avons échangé des mots doux sur nos travaux respectifs, discuté de nos chats (avec des noms inspirés de Disney), de nos séries du moment (Young Sheldon de son côté, Gilmore Girls du mien), de la vie dans la capitale et, bien sûr, de la vie de Mursal, qu’on ne soupçonnerait pas aussi difficile en la voyant si rayonnante. Notre conversation s’est tenue en anglais, et je vous en propose une traduction ci-dessous. J’espère que cela vous incitera à découvrir davantage son travail et surtout à la soutenir (en vous abonnant à son compte, par exemple). L’union de nos forces est essentielle.
Rencontre avec Mursal Sayas
Bonjour Mursal ! Pour commencer, peux-tu te présenter ? J’ai noté que nous avons à peu près le même âge et que nous sommes toutes deux journalistes…
Mursal Sayas : Je suis née à Kaboul en 1995, bien que mes documents officiels indiquent ma naissance en 1993 à Badakhshan. Je porte plusieurs casquettes : journaliste, autrice et défenseure des droits humains. Je travaille comme productrice et présentatrice à Radio Afghanistan International, où je partage des témoignages de femmes et de filles afghanes. Pour avoir un impact plus important et contribuer à faire évoluer les mentalités en Afghanistan, j’ai fondé l’organisation Women Beyond Borders à Paris. Cette initiative permet à mon équipe et moi de sensibiliser divers groupes en Afghanistan aux droits humains, de documenter les violations et d’œuvrer pour la justice. J’ai deux merveilleux enfants, une fille de 6 ans et un fils de 8 ans, qui sont restés là-bas. Ici à Paris, mon chat me tient compagnie pendant que je m’occupe de mon appartement et écris.
La réalité des femmes afghanes
En août, les Talibans ont interdit aux femmes de chanter et de lire à voix haute en public. Fin octobre, le “Ministre de la Promotion de la Vertu et de la Prévention du Vice”, Mohammad Khalid Hanafi, a déclaré qu’elles ne pouvaient plus réciter le Coran en présence d’autres femmes, suscitant des craintes quant à une future interdiction de toute communication entre elles. Que penses-tu de cette annonce qui renforce le silence imposé aux femmes afghanes ?
C’est ce que j’appelle l’apartheid de genre : cibler un groupe spécifique et lui priver de ses droits fondamentaux pour le déshumaniser. Cette situation est alimentée par une mentalité patriarcale avide de pouvoir qui perçoit les femmes comme une menace. Ils savent le pouvoir des voix féminines ; ils savent que ces voix portent la révolution. En les réduisant au silence, ils espèrent empêcher toute résistance unie de leur part.
Pourquoi as-tu décidé de quitter l’Afghanistan en 2021, et comment s’est passée ton départ ?
Je n’avais pas d’autre choix. Vivre sous le régime taliban était trop dangereux, et je ne pouvais pas prendre ce risque. Partir a été une décision difficile, mais rester aurait pu mener à mon arrestation ou à ma torture à cause de mon engagement fort pour les droits humains et des femmes – que les Talibans considèrent comme une valeur occidentale. Ma place n’est pas dans la cuisine ou la chambre à coucher. J’ai un but ; éclairer les autres en fait partie. Donc je poursuis mon travail en exil.
Quelle était ta vie avant le retour au pouvoir des Talibans ?
J’aimerais dire que c’était normal, mais ce n’était pas le cas. La vie des femmes afghanes n’a jamais été facile. La guerre constante, les traditions oppressives et les restrictions religieuses créent une société injuste et discriminatoire. Les femmes ne sont ni reconnues ni acceptées en tant que personnes à part entière. J’ai lutté contre cela à travers mon travail de plaidoyer et en tant que formatrice en droits humains, mais la lutte était implacable.
Tu as publié Qui entendra nos cris ? dans lequel tu donnes la parole à dix femmes qui vivent en Afghanistan. Aujourd’hui, es-tu capable de rester en contact avec tes amies, les femmes de ta famille ? Que te disent-elles ?
Oui, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai créé Women Beyond Borders, afin de rester en contact avec des femmes de toute l’Afghanistan et de construire un pont entre l’Est et l’Ouest. Toutes celles avec qui je parle – amies, famille, voisines, étudiantes, témoins – partagent une histoire similaire : elles en ont assez de ce régime totalitaire. Les gens ont faim et s’inquiètent de leur prochain repas, tandis que les ressources naturelles sont mises aux enchères… La violence domestique augmente, les filles grandissent déprimées, privées d’éducation, et les garçons deviennent radicalisés. C’est une situation tragique.
Depuis quand t’identifies-tu comme féministe ?
De manière informelle, cela a commencé pendant mes études universitaires lorsque j’ai appris que les hommes et les femmes n’avaient pas les mêmes droits dans ma religion ou selon la loi afghane. Plus tard, en travaillant pour la Commission indépendante des droits humains afghane, j’ai été confrontée à des cas cruels de violence domestique enracinée dans l’apartheid de genre. En tant que formatrice en droits humains, j’ai vu mes collègues masculins